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Paul Alexandre et le 7 rue Delta (1ère partie)

« Avec Modigliani, nous ne parlions pas seulement de peinture bien entendu, mais aussi de poésie, de littérature, de tout…. Lorsque je ne travaillais pas, j’allais le prendre à son atelier et nous nous promenions ensemble, allant d’exposition en exposition… »[1]
C’est grâce aux souvenirs précis de Paul Alexandre qu’on peut se faire une meilleure idée des recherches et du quotidien de Modigliani.

Capture portrait de Paul Alexandre

De père pharmacien (Jean-Baptiste Alexandre), Paul est l’ainé de trois garçons (Pierre et Jean). Dès son plus jeune âge, il fréquente le musée du Louvres et déjà durant ses études il noue des relations amicales avec les artistes qu’il rencontre. Louis de Saint Albin le fait rencontrer le peintre Geo Printemps qui lui introduit le sculpteur Maurice Drouard avec qui il développe une grande amitié. Ce dernier lui fait rencontrer un de ses camarades d’atelier qu’il aime beaucoup : Constantin Brancusi. Tout ce monde forme un cercle d’amis qui se réunit au 22 de la rue Visconti, juste à côté de l’école des Beaux-Arts. Les uns entrainant les autres, de nouvelles têtes apparaissent rapidement, Henri Doucet, Albert Gleizes, Le Fauconnier, Henri Gazan,… si bien que l’espace devient rapidement trop exigu. Tout près, rue de Bucci, le restaurant Paumier accepte de leur louer une fois par semaine la salle de son premier étage.

Ayant une clinique médicale au 62, rue Pigalle, le Docteur Alexandre trouve, à 5 minutes de son lieu de travail un lieu beaucoup plus approprié aux rencontres : le 7, rue Delta.

Capture façade du Delta

Même si l’Ecole des Beaux-Arts se trouve rive gauche, c’est encore à Montmarte que tout se passe en 1907. Au Bateau Lavoir habitent Picasso (et Fernande), André Salmon, Juan Gris, Kees Van Dongen. Dans les rues erre Maurice Utrillo. Dans le quartier, nous rencontrons Georges Braque, Marie Laurencin, Suzanne Valadon, Emile Bernard, Jules Pascin, ….

dessin de Doucet

Véritable phalanstère, ce lieu hors du commun est également le théâtre de soirées très légères, d’expériences au haschich, …. «  Avant cette tragédie de la guerre, nous vivions librement et joyeusement au Delta. A sa demande, j’avais invité mon frère Jean à venir se joindre à nous ainsi que son ami Jean Dupont qui sera grièvement blessé à la guerre. Nous faisions du théâtre, des scénarios, de la musique, des soirées poétiques où mes explications de Villon, Mallarmé, Verlaine ou Baudelaire tenaient une place privilégiée. Doucet m’avait fait acheter un harmonium aux Puces et Drouard jouait du violon. J’avais pour ami l’acteur Saturnin Fabre. Nous faisions des photographies théâtrales à l’intérieur ou dans le jardin,, derrière la palissade. Il y avait également des parties d’échecs savantes et silencieuses. On préparait le bal des Quat’z arts longtemps à l’avance avec beaucoup »[2]

Capture delta 01

d’imagination. Bien entendu il y avait aussi des femmes : Lucie Gazan, Raymonde, la maîtresse de Drouard, , Adelita, Clotilde,  et aussi Adrienne qui servira de modèle à Modigliani. Les artistes amenaient souvent des ouvrières couturières qui étaient de petites femmes très libres. Elles nous aidaient dans nos déguisements  du bal des Quat’z arts… »

[1] ‘Modigliani inconnu’ p. 60
[2] ‘Modigliani inconnu’ p. 47-48

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Son premier collectionneur : Paul Alexandre

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A la fin de 2007, désargenté et chassé de son atelier de la place Jean-Baptiste Clément, Modigliani erre dans Montmartre  à la recherche d’un toit pour dormir et d’un autre lieu où poser ses couleurs et pinceaux. On le voit souvent au Bateau-Lavoir mais il ne se résout pas à s’y installer. Il fréquente les bars et cabarets de la Butte, et un soir de novembre (peut-être est-ce en décembre) le peintre Henri Doucet le rencontre au Lapin Agile et l’invite à le suivre chez celui qui deviendra le premier grand collectionneur du peintre italien,  le Dr. Paul Alexandre.

Ce dernier, avec son frère Jean, avait loué une grande maison vouée à la destruction au n°7 de la rue Delta, au pied de la Butte. Les jeunes gens, mus par les mêmes passions, destinent ce lieu à des rencontres artistiques (peinture, théâtre, musique et poésie) mais ces soirées sont souvent le prétexte à la débauche à peine dissimulée.

« Nous faisions du théâtre, des scénarios, de la musique, des soirées poétiques […] Doucet m’avait fait acheté un harmonium au marché aux Puces et Drouard jouait du violon […] Bien entendu il y avait aussi des femmes : Lucie Gazan, Raymonde, la maîtresse de Drouard, Adelita, Clotilde et aussi Adrienne qui servira de modèle à Modigliani. Les artistes amenaient souvent des ouvrières couturières qui étaient des petites femmes très libres… »[i]

Modigliani se présente donc la première fois à la rue Delta accompagné de sa maitresse, Maud Abrantès, une artiste peintre également, très élégante qui le quittera un an plus tard pour s’installer à New York.

Lavis, aquarelle et huile de Maud Abrantès

Lavis, aquarelle et huile de Maud Abrantès

Il ne s’installe pas à la rue Delta, préférant aller habiter dans un petit hôtel de la rue Caulaincourt, mais il y laisse toutes ses affaires  et y revient tous les jours pour peindre.

A cette époque,  Modigliani peint et dessine beaucoup dans le style de Toulouse-Lautrec ou encore de la période bleue de Picasso mais Cézanne,  qu’il a découvert chez Ambroise Vollard et le fauvisme en général influent rapidement l’artiste italien. Il peint un chef d’œuvre : le portrait d’une amie de Paul Alexandre – la Juive qui sera présenté au salon des Indépendants en avril 1908 avec 5 autres tableaux (C.010 et C. 011, les 3 autres n’ont pu être identifiés).

La Juive

C. 009 – La Juive,1908, huile sur toile, 55 x 46 cm.

Si Paul Alexandre n’est pas riche, il a néanmoins une âme de collectionneur et  lui achète la toile.

En 1909, le médecin lui commande son portrait ainsi que ceux de son frère et son père (6 en tout) et nous retrouvons dans plusieurs de ces toiles le portrait de la juive accroché au mur derrière les modèles.

 

At the end of 2007, pennyless  and pushed out from his studio in the Place Jean- Baptiste Clément , Modigliani wanders  in Montmartre searching a place where to sleep and another another one where to lay his colors and brushes. We can see him often at the Bateau -Lavoir but he does not resolve to settle there. He frequents daily  bars and cabarets of La Butte, and once, in November (maybe it was in December), the painter Henri Doucet meets him at the Lapin Agile and invites him to go to the one  who will become the first great collector of the Italian painter , Dr. Paul Alexander, place.

The latter, with his brother Jean had rented a large house doomed to destruction at n° 7 rue Delta down the Butte .  The two brothers, driven by the same passions, destine that place for artistic encounters (painting, theater, music and poetry) but these evenings are often an excuse for debauchery barely concealed .

« We were into theater, scripts, music, poetry evenings […] Doucet pushed me to buy an harmonium at the flea market and Drouard played the violin [ … ] Of course there were also women : Lucie Gazan, Raymonde,  Drouard’s mistress , Adelita , Clotilde and Adrienne who will be a model for Modigliani. Artists often brought young seamstresses who were very liberated women … « 

Modigliani goes for the first to the Delta Street with his mistress, Maud Abrantes, a very elegant lady, also an artist, who left Paris to move to New York a year later.

He doesn’t settle in Delta Street, preferring to live in a small hotel, rue Caulaincourt, but he leaves all his material over there and every day he goes to Alexandre’s to paint.

At this time, Modigliani painted and drew much in the style of Toulouse Lautrec or the Blue Period of Picasso but Cézanne he discovered at Ambroise Vollard gallery and the Fauvist artists  affect quickly the Italian artist style. He painted a first masterpiece : the Jewish that will be presented at the Salon des Independants in April 1908.

If Paul Alexander is not rich, he has the collector soul and buys the painting .

In 1909 , the doctor commissioned his portrait and those of his brother and father (6 all together) and we see in some of these paintings the Jewish portrait hanging on the wall behind the models.

[i] Modigliani – Biographie, par Christian Parisot, éditions Canale Arte, p. 117

Figure 1 : Visage de Maud Abrantès, lavis de sépia, 31,1 x 20.3 cm. (cat.10 du Paul Alexandre)

Figure 2 : Portrait de Maude Abrantès, crayon gras et aquarelle, 41 x 32 cm. (cat. 11 du Paul Alexandre)

Figure 3 : Portrait de Maud Abrantès, huile sur toile, 81 x 54 cm. (C.07b)

 

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