Quatre ans et demi après la prestigieuse vente de la sculpture en pierre de Modigliani qui établissait un record chez Christies, Sotheby’s a adjugé ce 4 novembre 2014 une autre sculpture de l’Artiste italien au prix de US $ 63 millions, soit avec les frais €56 622 435, devenant ainsi la sculpture la plus chère de l’Artiste.
Les sculptures en pierre d’Amedeo Modigliani sont excessivement rares. En effet, il ne considérait la sculpture que par la technique de la taille directe et celle-ci épuisait trop l’Artiste qui avait une santé très fragile. Le grand expert Ambrogio Ceroni en dénombre 25 seulement et la plupart sont déjà dans les collections publiques.
Cette sculpture a été créée vers 1911-1912 à partir d’un seul bloc de calcaire appelée pierre d’Euville, une roche poreuse extraite dans une petite ville dans l’est de la France. L’Artiste s’en procurait en fouillant, le soir tombé, les chantiers avec sa brouette. Il rapportait les pierres dans le jardin de la Cité Falguière où il avait un atelier, voisin de celui du sculpteur Constantin Brancusi qui l’initiait à la sculpture.
Si l’influence de Brancusi peut sûrement être devinée dans le lissage de ses sculptures, Modigliani en a subi une autre, celle des masques africains, particulièrement ceux de la tribu Gouro en Côte d’Ivoire. Il avait vu de nombreux exemples de ces objets rituels africains au musée du Trocadéro, et leur impact est clairement reconnaissable dans le travail de l’artiste à cette époque. Observez la forme et le plissé de la bouche…
Dans son essai pour le catalogue de l’exposition, Modigliani, Sculpteur, Kenneth Wayne a écrit à propos de l’influence de l’Antiquité sur des sculptures extraordinaires de Modigliani:. «Les sculptures de Modigliani partagent de nombreuses caractéristiques avec l’art égyptien qu’il aimait tant et qu’il voyait régulièrement au Louvre : un calme solennel, un air profond du mystère et de la spiritualité, des formes en bloc, les yeux blancs en forme d’amande, un sourire béat, une frontalité imposante et le regard en avant, et des éléments décoratifs dans les cheveux et sur le front. Les yeux vides dans les sculptures de Modigliani rappellent également les sculptures grecque et romaine comme elles nous sont parvenues à travers le temps, avec les éléments peints disparus. L’état brut et l’inachèvement de certaines des sculptures de Modigliani leur donne l’aspect des sculptures anciennes grecques, romaines et égyptiennes abîmées par les siècles. Le matériau de prédilection de Modigliani, le calcaire, était le même que celui utilisé pour construire la Grande Pyramide, le Grand Sphinx de Gizeh et certaines sculptures égyptiennes et grecques. (K. Wayne, « Modigliani, Modern Sculpture and the Influence of Antiquity, » op. cit., p. 76).
La Tête a été exposée au Salon d’Automne de 1912 dans la célèbre Salle des Cubistes, une exposition marquante dans l’histoire de l’art moderne. La photographie de la salle des Cubistes publié dans L’Illustration du 12 Octobre, 1912 montre l’oeuvre à l’extrême gauche.
Légendes :
Figure 01 : Constantin Brancusi, Mlle. Pogany, marbre, 1912, Philadelphia Museum of Art
Figure 02 : masque Gouro, Côte d’Ivoire, bois, British Museum, Londres
Figure 03 : Atelier de Modigliani à la Cité Falguière